ECRIVEZ DES LETTRES D’AMOUR !


«La faim et l’amour guident le monde» disait Schiller. Dans ce monde qui est le nôtre et où fleurissent les lieux d’assouvissement d’une faim séculaire, l’éloge fait à l’amour dans cette exposition est la raison même de l’art, né de celui-ci qu’il sublime.
Territoire difficile car commun et immortel, le thème de l’amour suppose tout un rapport de spiritualité propre aux grandes allégories, comme la liberté ou.. la mort, qui laisse sa représentation toujours en devenir.
Mais qu’est-ce qu’une image qui pose la question de l’amour? un fragment d’espace, de temps et de formes qui essaie de nous faire vibrer avec lui et que l’artiste tente de nous livrer ici.
Poursuivant un projet à la cohérence certaine où l’œuvre oscille entre photographie et peinture, en retenant de la première le caractère objectif, de la deuxième l’aspect matériel et coloré, l’artiste pratique un protocole inchangé depuis un certain nombre d’années.
Même si dans cette nouvelle série d’images, le thème est nouveau, le rendu plus intense, il s’agit toujours d’un réel dont l’image devient le double dès que la pensée s’en saisit parce qu’elle est rattachée à une intention, un moment de la vie. C’est ce qui explique la permanence de l’acte photo, comme une présence nécessaire du monde extérieur sur lequel l’artiste a besoin d’agir par la peinture, mu par une sorte de nécessité subjective qui surgit dès qu’il s’agit d’interrogations humaines de l’ordre du sensible. La photo est un matériau qui continue de le passionner et si dans ses travaux la peinture en oblitère une bonne partie, il y a toujours une dialectique entre les deux sans graduation ni hiérarchie de valeurs entre elles.
Utilisée comme un emprunt au réel, l’image photo sert à dire l’articulation de sa fiction personnelle, affective, sociale; il lui emprunte les éléments de sa composition, en fait un modèle qu’il soumet à tous les détournements: montages, déformations, colorisation… les œuvres qui en résultent racontent alors des histoires singulières; celle de l’artiste lui-même, de l’accouchement lent et douloureux de choses vécues, longtemps enfouies: corps images de la femme, corps images de l’amour, élans, aspirations qui restent irreprésentables…
A la fois par narcissisme, intériorité ou pour l’exorcisme, comme chez certains artistes contemporains, il se montre lui-même dans des autoportraits où les lignes du corps entre fragilité et désarroi, dans une immobilité à peine dominée, font dire à sa propre image «mon corps, c’est moi..». S’ouvre alors le discours éternel sur le corps: réceptacle des valeurs morales, sacralisation de son image, difficulté de la monstration où l’artiste se dévoile, se montre, se met en scène évacuant l’ordre du sacré, répétant l’empreinte de sa main comme une marque de son passage.
Il dit cultiver volontiers la séduction de l’apparence peinte, cédant au désir de plaire par ces couleurs acidulées posées en mosaïque de touches joyeuses, atténuant la dureté du noir et blanc, équilibrant ainsi le drame et le plaisir de la création.
Dans chaque tableau, quelques phrases manuscrites volées à une lettre (d’amour) parlent d’une histoire (d’amour) de l’être (d’amour).
Dans chaque tableau est présent l’homme et ses rêves, parfois démesurés parfois sages, mais dont la représentation révèle, plus qu’une variation autour du thème, son attachement à la beauté des choses de la vie.
Nadira Laggoune-Aklouche

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