Tablod’bord
Il travaille dans l’appentis exigu d’un immeuble situé sur une hauteur d’Alger où l’on accède difficilement en voiture. Il a l’œil qui frise mais tout le reste est ombrageux. Il ne fait pas bon risquer une critique, même légère, à son égard : il croit qu’on ne l’aime pas, ou, pire, que son œuvre nous indiffère.
J’avais dit que me gênait, trop souvent, dans ce que je voyais, un souci d’accomplir des prouesses techniques un peu tape à l’œil. J’avais dit aussi que l’œuvre montrée ici y échappait dans presque toute sa durée, que j’aimais beaucoup son utilisation du texte dans l’image. Très mallarméenne. Le lendemain, comme on me demandait ce que je pensais d’Alger et que je répondais : « Pour moi, Alger, c’est Ammar Bouras », mon interlocuteur me regarda, perplexe : Ammar Bouras, me confia-t-il, lui avait dit que je n’aimas pas son travail. Or, me plaisait infiniment une façon de parler de soi très intime sur le mode lyrique, dans une vidéo où le texte prenait une dimension plastique avec des hauteurs béantes ici, des réductions modestes là, des couleurs, des caractères qui contribuaient à donner au dialogue texte-image une dimension d’une poésie âpre d’une très grande beauté.
Depuis Ammar Bouras a retravaillé son montage. Le résultat est là.
Michel Nuridsany. (Première vue – Passage de Retz, 5e éditions/2006)